RDC, Beni : les massacres ont cinq ans, Ebola un an. Une réponse globale s’impose !

Mise en ligne le 1 août, 19 à 16:52


En bref :

  • L’une des raisons de l’échec de la riposte contre Ebola, c’est l’indifférence générale vis-à-vis des massacres qui durent depuis cinq ans. Une réponse globale à la crise sécuritaire et à l’épidémie d’Ebola dans la région s’impose.

  • Les dirigeants Congolais, les sociétés pharmaceutiques et la communauté internationale doivent sacrifier la vie et la dignité de la population congolaise au nom des enjeux politiques et financiers dont ils sont protagonistes autour de l’actuelle épidémie d’Ebola.

  • Les avertissements du désormais ex-Ministre de la santé, le docteur Oly Ilunga Kalenga, en rapport avec la nécessaire cohérence dans la chaîne de décision, la transparence et la redevabilité opérationnelle et financière de tous les intervenants, l’alignement de la réponse sur le système de santé existant, et les dangers de l’introduction d’un nouveau vaccin expérimental doivent être entendus.

De prime abord, nous tenons à rendre hommage aux 1800 morts d’Ebola ces 12 derniers mois au Nord-Kivu et en Ituri et aux 3000 morts des massacres sauvages de ces cinq dernières années dans la région de Beni. Rendre hommage également aux blessés, aux orphelins, aux veufs et aux veuves, aux malades, aux captifs, aux réfugiés et déplacés, bref à tous nos frères et sœurs de cette région contre qui le sort semble s’être acharné, dans une relative indifférence des autorités publiques sensées les défendre et les protéger. Hommage enfin aux militaires, policiers, médecins et infirmiers qui se battent à leurs côtés pour sauver ce qu’ils peuvent, et qui ont payé un lourd tribut dans les massacres pour les uns, et dans l’épidémie d’Ebola et l’insécurité pour les autres.

Alors qu’une année après sa déclaration (1er août 2018) l’épidémie d’Ebola qui touche actuellement les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri tend à s’étendre sur la ville de Goma et au-delà, nous sommes très préoccupés par les récents développements mettant au grand jour le cynisme de différents acteurs nationaux et internationaux, pour qui le sort des populations affectées semble ne pas être la priorité.

La coordination multisectorielle de la riposte, notamment pour assurer la sécurité des équipes et des installations médicales ainsi que la surveillance des personnes en mouvement dans la région, est une nécessité indéniable. En revanche, derrière sa mise en place tardive se cache le positionnement de différents acteurs au niveau national, ce qui risque d’avoir pour conséquence la multiplication des centres de décision, de rendre plus inefficace encore la riposte, et d’accroître la méfiance des populations locales. De même, la non-prise en compte des revendications des populations locales concernant l’accès aux emplois et aux circuits financiers (marchés de fourniture des biens et services) générés par la réponse à l’épidémie, les frustrations autour des différences de traitement des agents en fonction de leur provenance, l’obstination à introduire un nouveau vaccin expérimental dans la zone, et l’absence de transparence et de redevabilité des différents intervenants mettent sérieusement en danger l’efficacité de la riposte.

L’introduction du nouveau vaccin expérimental proposé par la firme belge de la société Johnson & Johnson est inquiétante à plus d’un titre. La réputation de cette société condamnée cette année même par la justice américaine pour avoir sciemment commercialisé une poudre cancérigène pour bébés, n’inspire pas confiance. De plus, non seulement c’est un vaccin aussi expérimental que celui qui est déjà administré en RDC actuellement, mais en plus il est difficile en pratique de l’administrer et en faire le suivi en deux doses dans une zone aussi instable. Enfin, le risque de confusion et de résistance au sein de la population est tel qu’il serait irresponsable voire criminel de l’imposer. Il faut éviter de créer le sentiment que les Congolais ne sont que des cobayes humains à la merci des intérêts financiers de multinationales sans scrupule et de dirigeants corrompus.

Par ailleurs, nous comprenons le dépit de la population de la région de Beni qui a le sentiment que le monde entier se préoccupe d’Ebola mais pas du tout des massacres et des enlèvements de civils qui totalisent maintenant cinq ans dans cette région, et qui ont fait quelque 3000 morts, des centaines de personnes portées disparues, des villages rayés de la carte, et des centaines de milliers de déplacés forcés. Au début de cette année, l’Etat Islamique a commencé à revendiquer certaines attaques, accroissant un peu plus l’angoisse de la population et notre crainte de voir cette région échapper pour de longues années au contrôle de l’Etat congolais. Répondre à Ebola et ignorer le deuil et les cris inaudibles de la population face à ces massacres est un motif de frustration et d’incompréhension. Cela n’a fait que renforcer la méfiance. Si l’on veut réussir la riposte contre Ebola, dont Beni demeure l’épicentre, il va falloir adresser simultanément la crise sécuritaire. Les campagnes militaires entreprises par l’armée congolaise et la MONUSCO ayant montré leurs limites, nous préconisons un changement de stratégie.

Forts de notre encrage local, après nous être suffisamment renseignés sur la question des vaccins, et ayant été témoins du niveau de désinformation, des réticences et parfois des frustrations légitimes des populations locales dans la région de Beni-Butembo, nous :

  1. Demandons au président de la République et à l’Organisation mondiale de la santé d’écarter purement et simplement toute hypothèse d’introduction du vaccin de Johnson and Johnson dans les zones actuellement affectées en raison de la mauvaise réputation de cette société et des risques graves de confusion et de résistance que cela représente. A la place, tous les efforts doivent être fournis pour rendre disponible en quantité suffisante et à court délai les doses du vaccin déjà introduit dans la région afin de vacciner le plus de personnes possibles.

  2. Rejoignons les voix appelant à ne pas permettre la création d’un système de réponse parallèle et de type humanitaire, mais plutôt à renforcer le système sanitaire national dans les zones affectées et les zones les plus à risque, y compris les grandes villes comme Goma, Butembo, Bunia, Bukavu et Kisangani.

  3. Appelons à la tenue rapide d’une réunion de coordination nationale élargie à l’OMS, la MONUSCO, le PNUD, le CICR, l’UNICEF et d’autres intervenants y compris des ONGs nationales et locales, afin d’évaluer les forces et les faiblesses de la riposte à cette épidémie depuis sa déclaration il y a 12 mois et d’adopter les ajustements stratégiques nécessaires pour en venir à bout le plus vite possible.

  4. Appelons enfin la communauté internationale à montrer autant d’entrain à mettre fin aux massacres des populations civiles qui durent depuis 5 ans dans la région de Beni et depuis plusieurs mois en Ituri, et dont la persistance constitue la première cause de la méfiance vis-à-vis des moyens déployés contre Ebola. A cet égard, une réponse à la fois militaire et politique plus adaptée est urgemment requise, les efforts des FARDC et de la MONUSCO s’étant montrés inefficaces jusqu’à présent. Nous avons proposé notamment le remplacement complet des unités et des commandants déployés dans cette région depuis quelques années ; la conduite d’enquêtes sérieuses pour démasquer les complicités internes avec les tueurs au sein de l’armée et des services de renseignement ; le redimensionnement et éventuellement la recomposition de la Brigade d’intervention et son engagement direct contre les rebelles de l’ADF-NALU et les groupes Mayi-Mayi présents dans la région de Beni ; le démantèlement des réseaux de trafic illicite de bois, du cacao et d’autres matières premières entre la région de Beni et l’Ouganda ; la déclaration de Beni et son territoire comme zones sinistrées et la mise en place de mesures économiques et sociales conséquentes.

Cliquez ici pour Télécharger le communiqué

Fait à Beni , le 1er août 2019

Pour la LUCHA

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