INTERVIEW DU MILITANT DE LA LUCHA Marcel Héritier KAPITENE

Mise en ligne le 7 juillet, 16 à 21:52


 

Marcel, militant congolais en prison : « Je préfère affronter mes bourreaux en face »

Propos recueillis par Fiston Mahamba (contributeur Le Monde Afrique, Kinshasa)

LE MONDE Le 07.07.2016 à 17h10 •

Les autorités congolaises ont libéré plusieurs opposants et militants de la société civile, mercredi 6 juillet, mais pas Marcel Héritier Kapitene. Ce dernier, 27 ans, licencié en économie, membre du mouvement citoyen Lutte pour le changement (Lucha), a été condamné à douze mois de détention. De sa cellule du centre pénitentiaire de Makala, à Kinshasa, il a répondu à nos questions.

Comment avez-vous été arrêté ?

Marcel Héritier Kapitene Le 15 février, Bienvenue Matumo et moi avons été reçus par le sous-secrétaire d’Etat américain aux droits humains. Nous avons plaidé en faveur de la libération de trois collègues arrêtés à Kinshasa, Fred Bauma, Yves Makwambala et Godefroy Mwanabwato.

En sortant de cette réunion, nous avons appris l’attestation de Victor Tesongo, du parti Union pour la nation congolaise (dirigé par l’opposant Vital Kamerhe) avec qui nous travaillions pour organiser la journée « ville morte », le lendemain, qui exigeait le respect du délai constitutionnel quant à l’organisation de la présidentielle. Alors nous avons pris la décision d’entrer dans une clandestinité partielle. Nous avons pris une chambre dans un hôtel peu connu de la commune de Bandalungwa. Cette nuit-là, nous avons été alertés par nos collègues de Goma. La police et les services des renseignement forçaient les domiciles de certains de nos militants et les amenaient vers des destinations inconnues.

Le matin du 16 février, vers 5 heures 30, nous avons été arrêtés par des hommes armés, en tenue civile. Aucun motif ne nous a été signifié. Ils nous ont fouillés au commissariat et ont confisqué nos téléphones. Comme ils ont vu une carte bancaire, ils nous ont proposé de négocier notre libération. Ils nous ont conduits à un distributeur automatique où nous leur avons remis 200 dollars. Mais, au lieu de nous relâcher, ils nous ont amenés au commissariat de Funa puis à l’inspection provinciale de la police de Kinshasa.

Avez-vous été assisté par un avocat ?

Non. Les interrogatoires se sont déroulés sans accès ni à nos avocats, ni à nos familles. Puis nous avons passé deux jours sans manger et sans boire dans une cellule humide. Le matin du 19 février, nous avons été transmis au parquet général de la République, qui nous a à son tour transmis au parquet de grande instance de la Gombe. C’est là que nous avons pu avoir accès à l’un de nos avocats et à nos familles. Le 23 février, nous avons été transmis au centre pénitentiaire et de rééducation de Makala où nous sommes toujours détenus et condamnés à douze mois de prison pour « incitation à la désobéissance civile » et « propagation des faux bruits ». Durant les audiences, la cour peinait à démonter ces infractions, mais elle n’a pas pu nous acquitter, craignant peut-être les représailles de l’exécutif.

« J’APPARTIENS À UNE GÉNÉRATION QUI N’A JAMAIS CONNU LA PAIX. UN MOMENT, J’AI PENSÉ QUE LA PRISON ÉTAIT MON DESTIN. MES AMIS Y ÉTAIENT DÉJÀ » MARCEL HÉRITIER KAPITENE

J’ai été maltraité. Mais l’important n’est pas de sauver sa peau. Dans un combat, il n’y a rien d’autre qui compte que le combat lui-même.

Qui sont vos codétenus ?

Dans ma cellule, nous sommes trois. Je suis avec un général de l’armée congolaise arrêté dans une affaire immobilière et un jeune garçon condamné pour viol.

La prison a-t-elle radicalisé vos engagements ?

La prison n’est pas pire que ce qui se passe au Congo. J’ai perdu des amis d’enfance, des anciens collègues et des voisins dans les massacres de civils à Béni. J’ai perdu un ami dans le sud du territoire de Lubero. C’est cela qui me radicalise, les Congolais qu’on tue chaque jour dans ma région. J’appartiens à une génération qui n’a jamais connu la paix. Un moment, j’ai pensé que la prison était mon destin. Mes amis y étaient déjà. Je savais que j’étais suivi. Lorsque j’ai dénoncé le silence du premier ministre face aux massacres de Béni en 2015, un député m’a conseillé de quitter le pays. Mais je préfère affronter mes bourreaux en face.

Combien de temps en prison avant d’être condamné ?

J’ai dû attendre trois mois pour être fixé sur ma peine. J’espère que ce temps sera pris en compte. Je n’ai jamais pris possession de mon jugement écrit. La procédure est longue. Je me concentre plutôt sur l’appel qui sera probablement fixé ce mois.

Votre famille vous reproche votre engagement ?

J’ai toujours eu des ennuis avec certains membres de ma famille et de ma communauté. Mais il m’arrive de penser que la cause globale transcende nos individualités et nos appartenances. C’est à moi de prêcher le bon exemple. Un engagement est d’abord personnel. J’appartiens à ma famille oui, mais aussi à mon pays. Je lis Martin Luther King et Nelson Mandela. Vu la manière dont chacun est parti vers les étoiles, il m’arrive parfois de croire que le destin existe.

Que faites-vous en prison ?

Je passe mon temps à lire et à écrire. La prison a bloqué la sortie de mon premier livre, mais c’est aussi un tournant décisif dans ma vie. Je ne pense plus comme avant. J’ai appris à vivre au-delà des simples questions physiques. J’ai dû faire une pause dans la mise à jour de mon blog. Chaque jour, j’essaie de sacrifier une partie de moi-même pour le plus grand nombre. J’aimerais demander à tout Congolais de contribuer à sa manière et à sa mesure à l’avènement d’un nouveau pays, potentiellement riche mais avec une population très pauvre suite à la mauvaise gouvernance depuis plusieurs décennies.

Que ferez-vous en sortant ?

J’ai dû interrompre mon master en économie, c’est à cela que je me consacrerai en premier. Mais il n’est pas question d’arrêter le combat pour la démocratie. La prison ne m’a pas ébranlé.

Article du journal: @lemonde

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/07/07/marcel-militant-congolais-en-prison-je-prefere-affronter-mes-bourreaux-en-face_4965710_3212.html


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