SYNTHÈSE DE LA DEUXIÈME AUDIENCE DU PROCÈS DU MEURTRE DE FREDDY KAMBALE

Mise en ligne le 10 juin, 20 à 08:13


Ce mardi 09 juin 2020 s’est poursuivi dans la salle de réunion de la mairie de Beni, le procès du meurtre de Freddy Kambale Luhindo, militant de la LUCHA tué le 21 Mai 2020 par un élément de la police lors d’une manifestation pacifique dénonçant la persistance de l’insécurité à Beni. L’audience du jour était essentiellement consacrée à l’audition de différents témoins et renseignants cités par les parties au procès.

La première personne à avoir été auditionné est monsieur Tharcisse, chef adjoint du quartier Kalinda, qui a comparu en tant que témoin. Il a fait revivre au tribunal et à l’assistance les évènements du 21 Mai dans son quartier. Les avant midi du jeudi 21 Mai, le chef de quartier était chez lui quand quatre jeeps de la police s’étaient dirigés au stade Kalinda. Il s’y était rendu aussi pour voir ce qui s’y passait. Il avait alors vu des jeunes habillés majoritairement en blanc d’un côté et la police qui avançait vers eux. C’est là que s’étaient succédées des détonations de bombes lacrymogènes qui avaient dispersées le groupe de jeunes habillés en blanc. Les uns étaient restés assis par terre sur avenue Rumangabo et d’autres s’étaient dispersés dans tous les sens. Les détonations étaient tellement fortes que le chef de quartier lui même avait fui vers l’avenue Beni situé à une cinquantaine de mètres du lieu de détonation. C’est là qu’il avait vu à environ 40 mètres de lui un jeune homme à genoux, les mains à l’air avec un policier armé en face de lui. Il avait alors entendu de fortes détonations de balles réelles et s’était encore une fois éclipsé vers chez lui. Quelques minutes plu tard, des habitants de son quartier étaient venus lui faire savoir qu’un policier avait tué un jeune garçon. De passage sur le lieu, il avait effectivement constaté les traces de sang et de la cervelle. Le chef de quartier affirme tout de même n’avoir pas identifié le policier qui avait tiré car il était loin de lui. Considérant les déclarations du chef de quartier, la partie civile a demandé au tribunal la requalification des faits de meurtre en assassinat car en poursuivant FREDDY de l’avenue Rumangabo à l’avenue Beni, en faisant fi des supplications d’un manifestant pacifique à genoux, le policier Ombeni avait eu le temps de préméditer sur l’acte qu’il était sur le point de faire.

La deuxième personne à être entendue a été le colonel François KABEYA Makosa au titre de renseignant. En plus d’être responsable de la police en ville de Beni, François KABEYA était personnellement au commandement des opérations ayant conduit à la mort du militant Freddy Kambale à Kalinda le 21 Mai 2020. Prenant parole, le renseignant a affirmé que le 20 mai 2020, il avait reçu une copie d’une lettre de la LUCHA adressée au maire de la ville et appelant à une marche pacifique le 21 mai 2020. Une réunion du comité local de sécurité, avait été convoquée quant à ce et il avait été décidé de l’interdiction de cette manifestation. C’est ainsi que le matin du 21 Mai, il s’était personnellement rendu à Butsili, lieu de regroupement des manifestants, pour leur demander de ne pas tenir la marche mais de venir participer à une réunion d’échange avec le maire au sujet de la situation sécuritaire. Espérant que les manifestants avaient compris, le colonel affirme s’être retiré de Butsili pour se rendre à son bureau à l’état major de la police. C’est là qu’il avait appris que la manifestation était en cours et que les manifestants se dirigeaient vers le quartier Kalinda. Il s’y était lui même rendu, accompagné de quatre jeeps transportant des policiers de la LNI (Légion Nationale d’intervention) qui revenaient de la patrouille nocturne, du GMI (Groupe mobile d’intervention) et ceux du CIAT Beni. En arrivant à Kalinda, il avait effectivement trouvé des manifestants totalement pacifiques. Il affirme avoir ordonné à tous les policiers de garder leurs armes à feu au dos et de ne faire usage que des armes non létales. Il affirme en plus avoir essayé d’approcher les manifestants pour leur parler mais il avait senti une certaine négativité de leur côté. C’est ainsi qu’il avait ordonné aux policiers de tirer deux bombes lacrymogènes uniquement pour disperser les manifestants. C’est à la suite de ces tirs que les manifestants s’étaient dispersés mais quelques uns étaient restés assis sur le lieu. Alors que la situation était maîtrisée, le colonel affirme avoir entendu deux balles dans l’avenue située à droite du lieu où il se trouvait, à quelques 50 mètres. Après quelques minutes, le policier Ombeni était venu, pourchassé par quelques habitants l’accusant d’avoir tué une personne. Quelques instants après, une moto transportant le militant FREDDY KAMBALE qui était mourant passait en vive allure. Le colonel KABEYA avait alors ordonné à tous les policiers de quitter le lieu et avait interpellé 21 manifestants. Dès son arrivée à l’état major, il avait ordonné l’identification des responsables des armes ayant tiré et en avait identifiés deux. Il avait ensuite transmis le rapport d’incident à sa hiérarchie avant de déférer les présumés auteurs de ce meurtre à l’auditorat militaire de garnison. Prenant parole, le ministère public, tout en condamnant la manifestation de la LUCHA qui était contraire aux instructions du chef de l’état, a estimé que la responsabilité du commandant serait engagée car il était lui même en commandement. Tout en rejetant le caractère illégal de la marche, la partie civile a soutenu que la responsabilité du commandant ville est bel et bien engagée en raison du fait que le policier meurtrier était directement sous ses ordres, que les tirs ayant causé la mort ont résulté de son ordre de disperser les manifestants pacifiques et qu’il n’a pris aucune mesure pour s’assurer que les policiers portant des armes n’en fasse pas usage, en leur demandant de les laisser dans la jeep par exemple comme il le fait souvent. Prenant acte de la demande de la partie civile, le tribunal s’est dit dans l’incapacité de se déclarer sur la responsabilité du commandant avant d’avoir entendu les autres témoins/renseignants.

Après une courte suspension de quelques minutes, une troisième personne a été entendue au titre de renseignant. Il s’agissait du major IREBU, Commissaire principal adjoint de la police de la ville de Beni et responsable du GMI (Groupe Mobile d’intervention) qui était aussi au lieu du crime le 21 Mai. Il a décrit le déroulement des évènements comme dit avant lui par son supérieur hiérarchique, le Colonel François KABEYA. Après la prise de parole du major IREBU, le ministère public l’a fait remarquer que lors de son audition au cours de la phase prejuridictionelle, il avait déclaré textuellement que « s’il y a eu mort d’homme le 21 Mai, c’était de la responsabilité du Colonel qui avait ordonné de tirer sur des manifestants totalement pacifiques ». Le major a confirmé ses dépositions antérieures devant l’officier du ministère public. Réagissant aux propos de son subalterne l’accusant d’être à la base de la mort du manifestant Freddy, le colonel François KABEYA s’est dit surpris par des propos mensongers du major IREBU.

Après la comparution du commissaire principal adjoint de la police, monsieur Giresse, militant de la LUCHA a été auditionné au titre de témoin. Dans un récit émouvant, le militant a retracé les faits intervenus le 21 mai 2020. Alors que la manifestation partie du quartier Butsili se déroulait pacifiquement et sans incident, 4 jeeps de la police avaient surgi au niveau du stade Kalinda. Les policiers qui étaient à bord des jeeps faisaient preuve d’une brutalité particulière au point qu’en descendant de leurs jeeps, ils avaient commencé à larguer des bombes lacrymogènes sans même poser de questions aux manifestants. Bien que certains manifestants étaient restés sur le lieu, d’autres avaient fui. C’était le cas de Giresse qui avait fui et avait constaté que la militante Gloria et le défunt Freddy fuyaient aussi dans sa direction. Alors que Giresse se tenait au rond point, il avait entendu de coup de balles derrière lui. En se retournant, il avait vu Freddy begnant dans son sang et Gloria qui pointait le policier Ombeni comme meurtrier. Giresse s’était très vite empressé vers Freddy, l’avait relevé mais il avait senti qu’il était très faible. Heureusement, Un motard était venu passer par là et Giresse avait sollicité que le motard acheminé Freddy à l’hôpital. Le motard avait livré sa moto aux militants qui avaient transporté Freddy jusqu’à l’hôpital où il était arrivé déjà décédé malheureusement. Après avoir déposé le corps de Freddy, Giresse s’était rendu encore une fois à Kalinda pour vérifier si le policier meurtrier est déjà maîtrisé. Sur la route, il avait rencontré des militants au rond point Merlin et il s’était joint à eux pour aller à la mairie. Réagissant au témoignage de Giresse, le prévenu a encore une fois nié les faits, affirmant avoir vu Giresse parmi les manifestants qui étaient assis, encerclés par la police sur avenue Rumangabo, près du stade et très loin du lieu où le corps de Freddy avait été retrouvé. Giresse a rejeté cette version, affirmant que s’il était parmi les manifestants qui étaient restés, il n’aurait pas été celui qui avait transporté le corps de Freddy.

La personne à avoir été auditionné après Giresse au titre de renseignant est L’OPJ qui était à charge des enquêtes sur le meurtre de Freddy. L’OPJ a reconnu qu’il n’était pas sur le lieu du crime le 21 mai mais qu’il a eu la charge de mener les enquêtes policières du meurtre de FREDDY KAMBALE. Il a affirmé que lorsqu’il était à son bureau, il lui avait été amené deux policiers présumés meurtrier de Freddy, dont le policier Ombeni. Il avait alors interrogé le policier Ombeni, avait compté ses munitions et dressés un PV de saisie de munitions qui avait été contresigné par lui et le policier. C’est en foi de ce PV qui faisait état de 48 balles dans l’arme du policier Ombeni au lieu de 52 balles que L’OPJ avait transmis son dossier à l’auditorat. L’OPJ était par la suite descendu sur le lieu du crime par recommandation de l’auditeur pour retracer la scène du crime et interroger d’autres temoins. Cela a été fait et les PV ont été transmis à l’auditeur. Répliquant aux propos de l’OPJ, le prévenu a parlé d’un mensonge grossier, accusant la hiérarchie policière de protéger le vrai auteur et de l’avoir forcé à signer le PV de saisie d’objets. La défense a étayé les propos du prévenu par le fait que L’OPJ n’a pas transmis au ministère public le dossier du policier Fisi qui est accusé par le prévenu comme responsable du meurtre alors qu’il est clairement établi qu’il avait tiré et qu’il avait tenter de dissimuler les preuves en urinant dans le tuyau de son arme. Pour la défense, il y a eu des insuffisances flagrantes dans l’instruction au niveau de la police et cela traduit la protection du vrai coupable pour des raisons inavouées.

Enfin, le responsable de la radio muungano a été entendu en dernier en tant que renseignant. Celui ci avait été appelé par le tribunal parce que le prévenu avait affirmé lors de la première audience avoir suivi au cours du journal vespéral de la radio Muungano du 21 mai 2020 que l’assassin du militant Freddy Kambale s’appelait Fisi et qu’il est policier du Groupe mobile d’intervention. Le responsable de la radio Muungano a remis au tribunal l’enregistrement du journal vespéral du 21 Mai. Cet enregistrement a été auditionné séance tenante. Le tribunal, toutes les parties au procès et l’assistance ont tous constaté que le journal vespéral du 21 Mai 2020 à la radio Muungano n’avait pas cité le nom de l’auteur du meurtre mais avait juste parler d’un policier. Réagissant à l’enregistrement diffusé, le prévenu a allégué que le témoignage de la femme affirmant que le meurtrier s’appelle Lady n’a pas été diffusé au cours de cette rediffusion en audience mais qu’il avait bel et bien attendu ça le 21 Mai. Il a ainsi demandé au tribunal d’interroger deux de ses codétenus qui avaient aussi suivi cette déclaration médiatique. La défense a aussi estimé que le prévenu, qui est nouveau dans la ville, peut s’être trompé de chaîne de radio. La défense a alors sollicité que les journaux vespéraux de toutes les radios locales soient entendues, ce qui a été rejeté par le tribunal.

Tard vers 18h00, le tribunal a levé la séance, fixant la prochaine au 24 juin pour écouter d’autres témoins, les experts balistiques ainsi que l’Etat Congolais, considéré comme civilement responsable. Il sera procédé aussi en cette même date à une descente sur terrain au niveau de Kalinda où les faits s’étaient déroulés.

Fait à Beni, le 08 juin 2020
SMK


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