Conférence budgétaire de l'Entité Territoriale Décentralisée Chefferie de Buhavu.
Mémorandum de la LUCHA à l’occasion de la première visite de la première ministre Judith Suminwa à Goma au Nord-Kivu
Mise en ligne le 28 juin, 24 à 13:13
FAITES CESSER LA SOUFFRANCE DES POPULATIONS AU NORD KIVU
Dans la semaine du 3 au 12 juin 2024, au moins 215 civils ont été tués par les terroristes ADF, essentiellement à la machette, dans les territoires de Beni et de Lubero, au Nord-Kivu. Pendant ce temps, l’armée rwandaise et le M23 poursuivaient le bombardement aveugle de Kanyabayonga où au moins 14 civils ont été tués et 19 autres blessés du fait de 24 bombardements largués dans la semaine du 17 au 24 juin 2024.
Les tristes incidents de ce genre sont malheureusement loin d’être de cas isolés au Nord Kivu. Depuis plusieurs années, les populations civiles sont prises pour cible par des dizaines de groupes armés actifs au Nord Kivu, entrainant des crimes graves, un drame humanitaire sans précèdent et la détérioration continue des conditions socio-économiques.
Face à cette insécurité et ses répercussions fâcheuses, les autorités congolaises et la communauté internationale n’ont pas réussi à engager des réponses à la hauteur de la gravité et l’urgence de la situation. Depuis son arrivée au pouvoir en 2019, Félix Tshisekedi enchaîne des mesures sécuritaires qui sont inefficaces, contreproductives et quelques fois dangereuses.
En mai 2021, un état de siège a été institué en Ituri et Nord-Kivu afin de protéger les civils et éradiquer les différents groupes armés. Plus de 3 ans après, tous les observateurs sont unanimes sur le fait que la sécurité s’est dégradée dans les deux provinces sous état de siège.
Par ailleurs, le président Félix Tshisekedi a autorisé le déploiement de la force armée de l’East African Community (EAC) malgré l’opposition de la population locale en novembre 2022, avant de se raviser plus d’un an après. Cette force qui s’est comportée sur terrain en allié du M23 a largement contribué à renforcer ce mouvement terroriste. Enfin, le recours aux milices locales (Wazalendo), le plus souvent incontrôlées, non entraînées et impliquées dans les violations des droits de l’homme, représente un risque sécuritaire majeur et pourrait compromettre le rétablissement effectif de la paix et la sécuritaire sur le long terme.
Alors que le gouvernement congolais peine à protéger les civils, la répression contre ceux qui dénoncent l’insécurité est particulièrement forte au Nord Kivu depuis l’instauration de l’état de siège. En ce sens, notre camarade Mwamisyo Ndungo King en est l’illustration parfaite.
Ce jeune étudiant de l’université de Goma a été condamné en appel à 5 ans de prison par la cour militaire du Nord-Kivu pour avoir simplement dénoncé l’inefficacité de l’état de siège sur les réseaux sociaux. Malgré les plaidoyers incessants d’acteurs sociaux et politiques locaux, nationaux et internationaux, Mwamisyo Ndungo croupit toujours à la prison centrale de Goma depuis avril 2022. Son cas est le reflet de la restriction croissante de l’espace civique mais loin d’être le seul.
Le 30 août 2023 par exemple, une centaine des fidèles d’une religion africaniste ont été abattus par la garde présidentielle alors qu’ils s’apprêtaient à manifester pacifiquement pour exiger le départ de la MONUSCO et de la force de l’EAC qui sont incapables de sécuriser les Congolais et perçus comme des forces d’occupation. Alors que nombreuses autorités militaires impliquées dans ce carnage n’ont pas été inquiétées, 63 fidèles africanistes ayant survécu ont été condamnés à des peines allant de 10 ans à la mort. Ils croupissent aujourd’hui à la prison centrale de Goma. Dans un moment où l’unité nationale est plus que nécessaire pour faire face aux velléités d’agression de certains Etats voisins (Rwanda et Ouganda), ces actes de répression compromettent les efforts de paix.
Le séjour de la première ministre à Goma illustre, on l’espère, la forte préoccupation de son gouvernement face au drame sécuritaire, humanitaire et sociale que traverse le Nord-Kivu. Pour qu’il ne soit pas qu’une promenade de santé comme l’ont fait ses prédécesseurs, il est important que cette visite donne lieu à des actions politiques, sécuritaires, sociales, humanitaires, économiques, diplomatiques et judiciaires fortes. A cet effet, en tant que mouvement luttant depuis des années pour que les autorités congolaises et les Nations-Unies mettent fin aux massacres des civils à l’Est du pays et y restaurent l’autorité de l’Etat, la LUCHA appelle de toute urgence le gouvernement congolais à :
- Mettre fin à l’état de siège qui dure depuis plus de 3 ans pour permettre à l’armée de concentrer ses efforts spécifiquement sur les opérations militaires et non sur des questions de gouvernance locale,
- Lancer des offensives militaires de grande envergure contre le M23, les ADF et autres groupes armés en écartant des opérations les officiers et militaires soupçonnés de violations graves de droits humains, des collisions avec les groupes armés ou d’affairisme et apportant un soutien financier, logistique et humain conséquent auxdites opérations. Nous réitérons notre rejet de principe de toute négociation avec les groupes armés et aux agresseurs terroristes.
- Mettre un terme aux opérations militaires et à la présence de l’armée ougandaise en RDC en raison de son soutien avéré au M23, démanteler la MONUSCO qui fait preuve de passivité depuis des années et doter la force de la SADC des moyens matériels, financiers, diplomatiques et militaires adéquats,
- Fournir une aide humanitaire appropriée aux nombreux déplacés en attendant que le rétablissement effectif de la paix et la sécurité dans leurs milieux d’origine,
- Mettre en œuvre de toute urgence le programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (PDDRC-S) afin de donner une porte de sortie sûre aux combattants qui déposent les armes,
- Libérer les prisonniers politiques de l’état de siège, notamment notre camarade Mwamisyo Ndungo King et les 63 fidèles africanistes Wazalendo, et veiller à ce que toutes les personnes arrêtées en lien avec l’insécurité au Nord-Kivu aient droit à un procès rapide, équitable et juste,
- Mettre en œuvre un programme d’allégement fiscal au Nord-Kivu pour permettre aux populations locales appauvries par des années de conflits armés de se relever économiquement,
- Saisir sans délai les Nations-Unies pour demander la création d’un tribunal pénal spécial pour la RDC ou d’un mécanisme internationalisé équivalent devant juger les principaux auteurs congolais et étrangers des crimes graves commis en RDC depuis 1990, y compris ceux documentés par le rapport Mapping.
La situation sécuritaire, humanitaire et socio-économique au Nord Kivu est extrêmement inquiétante. Une action globale à la hauteur de la gravité et de l’urgence du drame est nécessaire. Agissez ! Agissez ! et Agissez !
Fait à Goma, le 26 juin 2024
Pour la LUCHA
La cellule de Communication