EBOLA : VACCINS OU BUSINESS ?

Mise en ligne le 13 décembre, 19 à 11:59


Ce que la LUCHA reproche à Dr Jean-Jacques MUYEMBE et son équipe, et pourquoi chaque Congolais/e devrait s’en inquiéter.

Depuis plusieurs semaines, nous avons alerté l’opinion publique sur le danger que font courir à la population congolaise les tests de candidats-vaccins et de molécules thérapeutiques contre Ebola développés par des firmes pharmaceutiques qui opèrent en connivence avec les autorités congolaises. Ces dénonciations ont suscité certaines interrogations, si bien qu’il nous a paru important d’exposer un peu plus en détail les faits et les considérations qui sous-tendent nos craintes.

De prime abord nous tenons à rappeler que nous soutenons les efforts des autorités nationales, de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres acteurs pour limiter la propagation et endiguer l’épidémie d’Ebola qui sévit dans les provinces du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Sud-Kivu depuis plus d’un an. De même, la LUCHA ne s’oppose pas à la recherche scientifique sans laquelle les importantes avancées de ces dernières années au titre de la prévention et du traitement de la maladie à virus Ebola n’auraient pas été possibles. Ce que nous dénonçons, c’est l’opacité et la légèreté avec lesquelles le Comité National Multisectoriel à la Riposte à la Maladie à Virus Ebola (CMRE) réalise des essais cliniques de plusieurs candidats vaccins contre Ebola sur la population congolaise, notamment au Nord-Kivu.

Pour rappel, deux vaccins ont été jusqu’ici testés en RDC : le candidat-vaccin Ervebo de la firme américaine Merck/MSD1 testé en RDC depuis l’épidémie de mai à juillet 2018 dans l’ex-province de l’Equateur, et le candidat-vaccin AdVac/MVA-BN2 d’une autre firme américaine, Johnson & Johnson, dont les essais cliniques ont été lancés à Goma le 14 novembre 2019. En Mais l’ambassade de la Fédération de Russie en RDC a annoncé le 18 novembre 2019 la fourniture à la RDC de 5.000 doses d’un troisième candidat-vaccin, russe cette fois, du nom de EpiVakEbola.3 Jusqu’à ce jour, il n’y a eu aucune information officielle à ce sujet de la part de la coordination nationale de la riposte ou du ministère de la santé.4

Tout ce que nous demandons c’est que les essais cliniques en RDC soient réalisés dans le respect des normes et protocoles internationaux en la matière ainsi que de la dignité des populations congolaises. Cela commence par le respect de leur droit à l’information. Or, ce droit a été complètement bafoué dès le moment où certaines autorités nationales et internationales ont diffusé des mensonges pour justifier l’utilisation du vaccin expérimental de Johnson & Johnson (J&J) dans le cadre de l’épidémie d’Ebola en cours.

  1. Le 7 mai 2019, un comité d’experts de l’OMS a recommandé l’utilisation du vaccin J&J en complément du vaccin Merck, qui avait déjà prouvé son efficacité à plus de 90%, en prétendant qu’il y avait un risque de rupture de stock.

Or, dans un communiqué du 23 septembre 2019, l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) a clairement démontré qu’il y avait assez de doses disponibles du vaccin Merck pour répondre aux besoins de l’épidémie, et même pour étendre la couverture vaccinale à un plus grand nombre de personnes.5 Le MSF a dénoncé dans le même communiqué le rationnement des doses de ce vaccin et la multiplication d’obstacles par l’OMS pour des raisons inavouées, avant d’appeler à la création d’un comité indépendant pour gérer la vaccination.6 Cet appel du MSF est resté sans suite.

  1. Dans une interview publiée par le CMRE en date du 20 septembre 2019, le professeur Jean-Jacques Muyembe justifie le choix du vaccin de J&J en expliquant qu’il n’est pas toxique et peut protéger la population contre Ebola.7

Contrairement aux affirmations du professeur Muyembe, il n’existe pour l’instant pas assez de données scientifiques sur l’efficacité et l’innocuité de ce vaccin. C’est d’ailleurs pour cette raison que, dans le formulaire de consentement devant être signé par les personnes participant à l’essai clinique, il est écrit « Nous ne savons pas encore avec certitude si le vaccin Janssen Ebola protège la population contre Ebola. Il existe donc un risque que vous ne soyez pas protégé(e) contre le virus Ebola, même après la vaccination ».

  1. Dans ce même bulletin Ebola, le Professeur Muyembe affirme que ce vaccin, donné en deux doses, protège les personnes vaccinées contre Ebola Zaïre dès la première dose. Et que la deuxième dose, qui se fait 25 ou 50 jours plus tard, protège contre les autres souches du virus Ebola (Soudan et Bundibugyo).

Il est dès lors étonnant d’apprendre le jour du lancement de l’essai clinique du vaccin J&J au Rwanda, le 8 décembre 2019, que les deux doses du vaccin sont données à 56 jours d’écart et que la protection immunitaire commence entre 21 et 28 jours après la deuxième dose.8 Cela veut dire qu’il faut près de 80 jours (près de 3 mois) pour que la personne vaccinée soit potentiellement protégée contre Ebola. Est-ce que d’un point de vue éthique, il est acceptable de proposer à une population dans une zone à risque un tel vaccin alors qu’il en existe un autre (Merck), en quantité suffisante, qui porte sur le même type de virus, qui est préqualifié, et qui protège les personnes à risque en seulement 10 jours ?

Dans les pays d’origine de ces entreprises pharmaceutiques, il existe des règlementations strictes régissant la conduite des essais cliniques sur leur territoire, notamment concernant les questions de conflits d’intérêt, de la promotion des essais pour attirer des participants, et du droit à l’information des participants. Des règles similaires sont édictées par le Comité d’Ethique de l’OMS. Pourquoi serait-il acceptable de ne pas appliquer les mêmes règles et la même rigueur quand il s’agit du Congo et des Congolais ? Au mois d’août dernier, la compagnie J&J a été condamnée aux États-Unis à payer une amende de 572 millions USD$ pour avoir mené une campagne publicitaire trompeuse qui surestimait l’efficacité d’un de ses médicaments et minimisait ses risques.9

Il est regrettable que, une fois arrivées en RDC, ces mêmes entreprises prennent des libertés quant au respect de ces règlementations, avec la complicité des autorités nationales. Nous avons le droit, voire le devoir, de demander aux autorités de faire preuve de plus de transparence et de responsabilité dans ce dossier.

Nous leur demandons également de faire la part des choses entre les actions nécessaires pour endiguer l’actuelle épidémie et les expérimentations à visées lucratives. En effet, le coût de l’essai expérimental du candidat-vaccin J&J est estimé à environ 80 millions USD$. Pourtant, durant de nombreux mois, l’OMS et les ONGs internationales se plaignaient de ne pas avoir assez de fonds pour financer leurs opérations de riposte contre Ebola au Nord-Kivu. La priorité pour les bailleurs de fonds est-elle d’endiguer rapidement l’épidémie actuelle ou bien de profiter de la longue durée de l’épidémie pour mener toutes sortes de tests expérimentaux sur une population congolaise/nord-kivutienne meurtrie, pauvre, peu informée et sans défense ?

1 Ervebo, également désigné sous le nom rVSV-ZEBOV ou encore V920, a été homologué par l’OMS comme « sûr et efficace » le 12 novembre 2019, devenant ainsi le premier et seul vaccin contre Ebola (la souche Ebola Zaïre) homologué à ce jour. Voir : https://www.who.int/news-room/detail/12-11-2019-who-prequalifies-ebola-vaccine-paving-the-way-for-its-use-in-high-risk-countries

2 Egalement désigné sous le nom de ses deux molécules, Ad26.ZEBOV et MVA-BN-Filo, et conçu contre le type Ebola-Zaïre tout comme Ervebo de Merck.

3 Ambassade de la Fédération de Russie à Kinshasa, Communiqué sur l’assistance de la Russie dans la lutte contre Ebola en République démocratique du Congo, 18 novembre 2019, https://drc.mid.ru/web/drc_fr/ambassade/-/asset_publisher/ju1aFBFLU8hB/content/communique-de-l-ambassade-de-la-federation-de-russie-en-rdc-sur-l-assistance-de-la-russie-dans-la-lutte-contre-ebola-en-republique-democratique-du-con?_101_INSTANCE_ju1aFBFLU8hB_viewMode=view

4 En juin 2018, le Directeur du Centre Chinois de Contrôle et Prévention des Maladies, Gao Fu, avait déclaré au journal Chinois China Daily que la Chine souhaitait également expérimenter son propre vaccin en RDC (voir : https://www.scientificamerican.com/article/china-may-compete-for-limited-opportunities-to-test-ebola-vaccine/), mais il n’y a pas d’information disponible quant à savoir si cela avait fini par être autorisé ou pas. Néanmoins, cela est une autre illustration de la compétition qui existe entre les sociétés et les Etats pour développer chacun son vaccin, et la manière dont tous voient la RDC comme un champ d’expérimentation à grande échelle, sans forcément se préoccuper des conséquences sur les populations.

5 Communiqué du MSF du 23 septembre 2019 intitulé : « Ebola en RDC : face à l’opacité de l’OMS, MSF appelle à la création d’un comité indépendant pour gérer la vaccination », https://www.msf.fr/communiques-presse/ebola-en-rdc-face-a-l-opacite-de-l-oms-msf-appelle-a-la-creation-d-un-comite-independant-pour-gerer-la-vaccination

6 Idem.

8 Voir : OMS, Campagne de vaccination contre Ebola J&J lancée conjointement par le Rwanda et la République démocratique du Congo, 8 décembre 2019, https://www.afro.who.int/fr/node/12100

9 Voir : CNBC, Judge rules against Johnson & Johnson in landmark opioid case in Oklahoma, 26 août 2019, https://www.cnbc.com/2019/08/26/judge-rules-against-johnson-johnson-in-landmark-opioid-case-in-oklahoma.html


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