15 questions à la Gécamines sur les 200 millions d’euros de Dan Gertler

Mise en ligne le 26 décembre, 19 à 01:02


Le 23 décembre 2019, la Gécamines a diffusé un communiqué de presse en réponse à la polémique autour du prêt de 200 millions d’euros qu’une société affiliée à Dan Gertler lui a fait peu avant qu’il ne soit sanctionné aux Etats-Unis pour corruption. Si le communiqué permet de clarifier certains faits, il suscite aussi de nombreuses nouvelles questions.

Hormis le manque de transparence depuis deux ans – contrat de prêt non publié, dette insuffisamment détaillée dans les états financiers,… – une des principales questions se rapporte à l’avance fiscale que la Gécamines dit avoir faite à base du prêt. Pourquoi une société commerciale endettée qui souhaite relancer sa production utilise-t-elle un prêt pour faire une avance fiscale, c’est-à-dire payer des taxes dont elle n’est pas redevable ? Les parlementaires congolais ont-ils vu la trace de cette avance lors de la reddition des comptes ?

Par ailleurs, quelles mesures la Gécamines a-t-elle prise pour éviter que les $150 millions qu’elle vient de recevoir de KCC ne seront pas transférés à Ventora, une entité sanctionnée par le Département du Trésor américain ?

[En noir ci-bas: communiqué de presse Gécamines]

[En rouge : questions suscitées par le communiqué]

  1. Pendant qu’elle n’était pas sous sanction américaine, Fleurette Mumi, devenue Ventora depuis lors, avait octroyé à Gécamines, en octobre 2017, un prêt de 200.000.000 € (Deux cents millions d’euros). Il était prévu que Gécamines pourra retirer les sommes dont elle aurait besoin sans dépasser le maximum de 200.000.000 €.

  1. Pourquoi le contrat de prêt de 200 millions d’euros n’a-t-il pas été publié ?

  1. Ce contrat existe et a effectivement été exécuté dans les normes.

Dans d’autres contrats de prêt que la Gécamines a signés avec Gertler avant 2017, la Gécamines avait à chaque fois mis en gage certains de ses actifs miniers. Si la Gécamines ne remboursait pas, Gertler pouvait récupérer les actifs. Cela a notamment été le cas pour les royalties de KCC qui appartenaient à la Gécamines et ont été récupérés définitivement par Gertler en 2015.

  1. Quels actifs la Gécamines a-t-elle mis en gage dans ce contrat ?

  1. En exécution dudit Prêt, la somme de 128.000.000 € (Cent vingt-huit millions d’euros) avait été sollicitée et finalement perçue par Gécamines en octobre 2017. Cette créance est arrivée à échéance en avril 2018.

Les traces de ce montant existent : Swift, extrait bancaire, documents comptables.

Un montant de $148 millions correspondant à ce prêt est reflété comme « financement » dans les états financiers 2017 de la Gécamines, sans explications supplémentaires. Ceci contraste avec les autres prêts que reçoit la Gécamines, pour lesquels les états financiers précisent d’habitude l’origine, l’objectif, la date butoir de remboursement, les taux d’intérêts,…

  1. Pourquoi ce prêt ne fait-il pas l’objet de plus de détails dans les états financiers de la Gécamines ?

  1. Les extraits de comptes et autres documents comptables renseignent clairement que la quasi-totalité a été versée au Trésor public au titre de paiement d’avances sur fiscalité. En témoigne, la lettre du Ministre des Finances portant titrisation de cette somme.

Il est généralement peu recommandé de contracter un prêt (de l’argent qu’on doit rembourser) pour payer des taxes (de l’argent qui ne générera aucun retour). Il est encore plus étrange de contracter un prêt pour payer une avance fiscale (c’est-à-dire de l’argent qu’on ne doit pas payer).

  1. Pourquoi une société commerciale qui veut relancer sa production et qui est déjà endettée contracte-t-elle un prêt pour faire une avance fiscale si importante dont elle n’est pas redevable ?

  2. Quelles garanties Gertler a-t-il exigé avant d’octroyer le prêt ? Comment s’est-il assuré au préalable que la Gécamines le rembourserait ?

  3. Vu le montant considérable – environ 10% des recettes minières annuelles – le parlement congolais a-t-il vu une trace de cette avance fiscale au moment de la reddition des comptes en 2017 ? A-t-elle fait l’objet de débats parlementaires ?

  4. Si l’avance n’est pas apparue au moment de la reddition des comptes, à quoi cet argent a-t-il servi ?

  1. Le solde a été conservé au compte de la société pour le Fonds de roulement de l’entreprise en vue de la production et du fonctionnement. Aujourd’hui, plus aucun officiel ne s’intéresse à cette question.

  1. Ayant reçu une mise demeure de Ventora en date du 4 septembre 2019, Gécamines a sollicité l’avis de ses conseils (y compris un Cabinet américain). Ces derniers ont fermement conseillé Gécamines de n’effectuer aucun paiement en raison des sanctions économiques frappant le créancier depuis décembre 2017 et pouvant s’étendre à Gécamines en cas de paiement.
  1. Si la créance était arrivée à échéance en Avril 2018, pourquoi Ventora a-t-elle attendu 18 mois avant de mettre en demeure la Gécamines ?
  2. Gertler a-t-il récupéré certains de ces actifs miniers ou autres biens suite au non-paiement ? Si oui, de quelle valeur ? Cela a-t-il pu réduire la dette ?

  3. Le contrat de prêt a-t-il fait l’objet d’amendements? Si oui, lesquels ? Si oui, pourquoi ceux-ci ne sont-ils pas publiés ?
  1. Par sa lettre n° 901/DG/19 en date du 28 septembre 2019, Gécamines a signifié à Ventora que malgré la certitude, la liquidité et l’exigibilité de sa dette, elle se trouvait devant un obstacle majeur et raisonnablement infranchissable pour payer et ce, en raison du Global Magnitsky Act des Etats-Unis d’Amérique sur base duquel a été décrété l’Executive Order 13818 contre ces derniers.

  1. Le 15 octobre 2019, Ventora a initié une procédure d’injonction de payer pour contraindre Gécamines à payer la somme de 151.881.175,96 €.

  1. Par l’ordonnance n°308/AMCM/10/2019 portant décision d’injonction de payer rendue le 15 octobre 2019, le Président du Tribunal de Commerce de Lubumbashi a fait droit à la requête de Ventora et enjoint Gécamines de payer la somme susmentionnée.

  1. En date du 29 octobre 2019, refusant tout paiement, Gécamines a introduit une opposition à la décision portant injonction de payer avec assignation auprès du Tribunal de Commerce de Lubumbashi. L’affaire a été plaidée le 11 novembre 2019.

  1. Le jugement RAC 2478 rendu le 14 novembre par le Tribunal de Commerce de Lubumbashi a partiellement donné gain de cause à Ventora en lui reconnaissant la créance principale et les intérêts (151.881.175,96 euros au total), mais en rejetant sa demande de dommages-intérêts. A ce jour Gécamines n’a effectué aucun paiement.

Le montant dû correspond environ au montant de $150 millions que Glencore comptait payer à la Gécamines en Décembre 2019 (accord KCC).

  1. Quelles mesures conservatoires la Gécamines a-t-elle prise pour éviter que cet argent ne soit transféré à Ventora, au risque d’être exposées aux sanctions américaines précitées ?

  1. Gécamines ayant reconnu sa dette, l’exercice de la procédure des défenses à exécuter eût été tant inefficace qu’abusive et susceptible d’amener la partie adverse à exercer une action en dommages-intérêts contre elle.

Il est d’usage commun que lorsqu’une société interjette appel contre un jugement, elle entame aussi la défense à exécuter pour éviter qu’elle ne doive exécuter le jugement avant l’issue finale du procès. Concrètement, la procédure des défenses à exécuter aurait permis à la Gécamines d’éviter de payer les 151,9 millions d’euro avant l’issue finale du procès. Cette mesure conservatoire était d’autant plus urgente au vu du risque de violer les sanctions américaines.

  1. Pourquoi la Gécamines n’a-t-elle pas prise cette précaution élémentaire ?

  1. Ventora a pratiqué une saisie attribution visant la créance de Gécamines sur l’Etat congolais. Gécamines en a été informée par acte de dénonciation et aucune suite n’a été portée à sa connaissance depuis lors. En tout état de cause, Gécamines n’a effectué aucun paiement.

  1. Quels risques cette saisie attribution représente-t-elle pour le trésor public congolais et donc l’argent du contribuable congolais?

  1. En date du 21 novembre 2019, Gécamines a interjeté appel contre ce jugement pour mal jugé et a notifié la date de l’audience du 29 novembre 2019.

  1. L’arrêt de la Cour d’Appel est attendu.

  1. Le Directeur Général et le Secrétaire Général se trouvaient, le 17 décembre 2019, dans le salon RVA VIP départ des vols nationaux de l’aéroport de N’Djili lorsqu’un officiel de la DGM les a informés qu’une instruction leur interdisait de voyager ce jour-là et qu’ils étaient attendus par le Directeur Général de la DGM à ses bureaux. Ils s’y sont rendus et n’ont jamais été reçus par l’autorité qui les avait invités, et ce, après avoir attendu plus de trois (3) heures.

  1. Deux jours plus tard, ils recevront une invitation du Parquet Général près la Cour d’appel de Kinshasa / Gombe. Le Directeur financier de Gécamines a été auditionné au Parquet Général et a fourni toute la documentation demandée.

  1. Gécamines constate que de toute cette affaire, certains milieux ne s’intéressent désormais plus qu’aux questions de technicité juridique qui n’ont rien avoir avec le droit pénal. 

  1. On est donc bien loin du contrat prétendument fictif, de la somme non perçue par Gécamines, du non-enregistrement de la somme dans les états financiers de Gécamines, de la somme détournée, des fausses arrestations, des fausses fuites.

  1. La Gécamines tend à ne divulguer les informations sur ses contrats avec Dan Gertler que des années après que ceux-ci soient conclu. La Gécamines pourrait-elle faire l’inventaire complet de ses contrats avec les sociétés affiliées à Gertler ?

  2. Quel bilan faites-vous des multiples transactions avec Dan Gertler depuis que le premier octroi de la mine de KOV en 2005 ? Comment ont-elles permis la relance de la Gécamines en tant que société commerciale ?


Youtube


Warning: Invalid argument supplied for foreach() in /home/w6d4bd6jhs1r/domains/luchacongo.org/html/wp-content/themes/lucha relook final/include-autre-menu.php on line 31

Retrouver la LUCHA sur

Contactez-nous

Nous organisons & mobilisons les Congolais(es) à la base pour défendre nos droits & notre dignité, dans la non-violence.


Nous (re)joindre :

  • 📞Wtsp +243 974233390

  • Mail : lucha.rdc@gmail.com

  • Mail : info@luchacongo.com

  • www.facebook.com/lucha.rdcongo

  • Twitter : @luchaRDC

    Copyright (c) 2017 lucha All Rights Reserved.