Monsieur le président, La nuit du mercredi 15 octobre 2014 , 33 habitants du quartier Ngadi…
TABLE RONDE SUR L’ÉTAT DE SIÈGE EN RD CONGO NEUF MESURES ALTERNATIVES FACE À L’ÉCHEC
Mise en ligne le 16 août, 23 à 11:45
Lorsque l’état de siège a été instauré en mai 2021, en dépit des limites perceptibles de cette mesure, il a suscité l’espoir d’une avancée vers l’éradication complète des groupes armés qui terrorisent les populations du Nord Kivu et de l’Ituri.
Plus de 2 ans après, tous les acteurs gouvernementaux et non étatiques convergent sur le fait que la situation sécuritaire s’est davantage détériorée dans l’Est de la RDC. L’état de siège n’a pas permis de mettre fin aux cycles de violences et de rétablir l’autorité de l’État dans les provinces du Nord-Kivu et Ituri. En effet, se fondant sur les données crédibles du Kivu Security Tracker (KST), on révèle que 6597 civils ont été tués et 3685 ont été enlevés au Nord Kivu et en Ituri durant cette période d’état de siège. Pourtant, les mêmes données de KST indiquent qu’avant l’état de siège, sur la même période de deux ans, 2542 civils ont été tués et 1807 enlevés. Ces bilans comparés montrent que l’état de siège a amplifié la crise sécuritaire.
En outre, des pans des territoires de Rutshuru, du Masisi et du Nyiragongo sont occupés, contrôlés, exploités et administrés par nos agresseurs, les M23/RDF et les armées des pays de l’East African Community (EAC), qui commettent des meurtres, des viols, des pillages et des exactions en tout genre.
Dans la Province de l’Ituri, les groupes armés locaux, précisément les milices CODECO et ZAÏRE, continuent à semer la terreur au sein de la population malgré une diminution de la fréquence des attaques. Les FPIC et les FRPI sont toujours armés, bien que non actifs, créant la psychose au sein de notre population.
Une partie des territoires de Djugu et Mambasa en province de l’Ituri restent occupés par les groupes armés qui exploitent les minerais. Ils commettent également des meurtres, des viols, des pillages et des exactions en tout genre malgré cette mesure exceptionnelle instaurée depuis deux ans.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, l’état de siège a consacré une gouvernance militaire non contrôlée des provinces ayant entraîné une gestion opaque et prédatrice des ressources publiques d’un côté et de l’autre une répression systématique visant les acteurs politiques et de la société civile qui émettent des critiques.
Le cas le plus emblématique est celui du militant King Mwamisyo Ndungo de la LUCHA, condamné par la Cour Militaire du Nord Kivu à 5 ans de prison pour l’infraction d’outrage à l’armée aprés qu’il ait soutenu à travers les réseaux sociaux que les animateurs de l’état de siège ont failli à leur mission.
Également, l’institution de nouvelles taxes, la forte pression fiscale, la spoliation des parcelles de l’État, … font désormais partie du quotidien des populations du Nord Kivu et de l’Ituri.
Au regard de ce bilan largement négatif, à l’issue de cette table ronde, nous appelons à la levée pure et simple de l’état de siège et à la réhabilitation ou la restauration des institutions provinciales tel que prévu par la constitution.
Cependant, le simple fait de lever l’état de siège ne signifie pas le rétablissement de la paix et de la sécurité au Nord Kivu et en Ituri. Ainsi, la dynamique des mouvements citoyens et les groupes de pression de la société civile proposent les mesures alternatives suivantes pour pacifier, stabiliser et relancer les deux provinces sus-évoquées :
- Relancer les opérations militaires de grande envergure contre les M23/RDF, les ADF, les CODECO et d’autres groupes armés en prenant préalablement le soin d’extirper les officiers et les militaires soupçonnés de violations graves des droits humains, de collisions avec les groupes armés et de trafics divers (a) et en allouant des moyens financiers et logistiques conséquents auxdites opérations (b) ;
- Mettre immédiatement un terme aux opérations militaires et à la présence de la force de l’East African Community (EAC) qui cohabite avec le M23/RDF au lieu de les combattre ET accélérer le processus de retrait de la MONUSCO dont le mandat, peu adapté, lui a conféré le rôle d’observateur face à la commission des crimes les plus odieux ;
- Mettre en œuvre de toute urgence le Programme de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (PDDRC-S) afin de donner une voie de sortie efficace et sûre aux combattants des groupes armés locaux qui déposent les armes. Pour ce point, l’ancien criminel de guerre à la tête de ce programme, Tommy Tambwe, doit immédiatement être remplacé par des animateurs sérieux et crédibles ;
- Tout en saluant la tenue des commémorations officielles des victimes du Genocost (le Génocide des Congolais), nous exigeons que, sans délais, le conseil de sécurité des Nations Unies soit saisi par l’État pour demander la création d’un tribunal pénal spécial pour la RDC ou d’un mécanisme internationalisé équivalent afin de juger les principaux auteurs, congolais et étrangers, des crimes graves commis en RDC depuis 1990, y compris ceux documentés dans le rapport du projet Mapping des Nations Unies ;
- Mettre en œuvre un programme d’allégement fiscal et de relèvement économique dans les provinces concernées par l’état de siège afin de relever l’économie locale très affectée depuis des années par ces violences armées. À cet effet, l’ouverture de la route nationale N°2 est une urgence afin de relancer le trafic des personnes et les échanges commerciaux dans la Province du Nord Kivu,
- Répondre aux exigences et aux revendications de la classe politique et de la société civile/mouvements citoyens/groupes de pression quant à la régularité, la transparence, la crédibilité et l’inclusivité du processus électoral en cours, afin de mettre fin aux crises récurrentes de légitimité qui ont des conséquences graves sur notre sécurité et notre souveraineté. À ce sujet, nous nous opposons âprement à toute idée d’organiser les élections sans les circonscriptions électorales du Masisi, de Rutshuru et du Nyiragongo, actuellement occupées et contrôlées par les agresseurs du M23/RDF ;
- Poursuivre et accélérer le processus de réforme substantielle de l’armée et des services de sécurité (notamment le vetting du commandement, les moyens logistiques, l’amélioration des soldes et des conditions sociales des militaires et de leurs dépendants, le renforcement de la discipline, les recrutements efficaces et programmés, la construction de casernes et d’écoles militaires modernes, …) afin de construire une armée républicaine, professionnelle et capable de protéger les Congolais.e.s, leurs biens ainsi que le territoire ;
- Allouer une assistance humanitaire conséquente et complète d’urgence aux millions de Congolais.e.s vivant dans les camps de déplacés au Nord Kivu et en Ituri en attendant leur retour définitif dans leurs milieux d’origine après le rétablissement de la paix et la sécurité ;
- Identifier et poursuivre sans complaisance tous les auteurs intellectuels et non intellectuels ainsi que les complices de ces groupes armés peu importe leurs rangs, et les traduire devant la justice pour briser la culture de l’impunité qui gangrène la société congolaise et encourage la répétition des crimes.
Par ailleurs, les différents abus de pouvoir et violations des droits humains vécus pendant l’état de siège méritent d’être réparés. À cet effet, nous demandons que les résolutions suivantes soient adoptées à l’issue de cette table ronde :
- La mise en place d’une Commission Parlementaire au niveau des Assemblées Provinciales du Nord Kivu et de l’Ituri afin d’identifier et de valider la régularité et la pertinence des taxes, des cessions et des désaffectations des parcelles de l’État ;
- La libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques de l’état de siège. Au Nord Kivu, King Mwamisyo Ndungo de la LUCHA à Goma, Fiston Isambiro de la Véranda Mutsanga à Beni, Nicho Sivyaghendera de l’Écidé à Kasindi et Delcat Idengo, artiste musicien de Beni détenu à Goma.
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Fait à Kinshasa, le 14 août 2023