Quarante jours après le massacre de dizaines de civils à Goma, le tribunal militaire de garnison…
Lettre à Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi, Président de la République
Mise en ligne le 21 juin, 22 à 07:03
Notre rejet du projet d’une force régionale Est-Africaine et nos contre-propositions
Monsieur le Président,
Alors que le troisième conclave régional des Chefs d’Etat sur la République démocratique du Congo auquel vous avez personnellement participé à Nairobi ce lundi 20 juin vient de valider l’activation et le déploiement d’une force régionale de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) dans la partie orientale de notre pays ;
Tout en appréciant l’enthousiasme affiché par le président Uhuru Kenyatta en vue d’une solution rapide et définitive aux cycles de conflits armés dans l’est de notre pays ;
Permettez-nous d’attirer votre attention sur les points suivants :
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Vous n’êtes pas sans savoir que toutes les armées de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est sont déjà présentes dans l’est de notre pays, sous une forme ou une autre : l’armée rwandaise est associée au M23 au Nord-Kivu et soutient le Red-Tabara au Sud-Kivu, en plus des opérations dites spéciales qu’elle mène ponctuellement sur notre territoire avec votre permission. L’armée ougandaise que vous avez invitée opère ouvertement au Nord-Kivu et en Ituri (opération Shujaa) depuis novembre 2021. L’armée burundaise opère régulièrement au Sud-Kivu, et l’armée sud-soudanaise dans la province du Haut-Uélé. Quant aux armées tanzanienne et kényane, elles sont déjà présentes au Nord-Kivu et en Ituri dans le cadre de la Brigade d’Intervention (FIB) des Nations-Unies.
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Au moins trois sur sept Etats membres de l’EAC sont impliqués depuis plus de deux décennies dans l’agression et la déstabilisation de notre pays à travers des interventions directes de leurs armées ou, par procuration, à travers des groupes armés. Le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, et dans une moindre mesure le Soudan du Sud, font face à des rébellions ayant des bases-arrière dans l’est de la RDC, et régulièrement ils s’accusent entre eux de déstabilisation. Ils se disputent l’influence, voire le contrôle d’une partie de notre pays pour des raisons aussi bien sécuritaires qu’économiques et géopolitiques, si bien que plus d’une fois ils ont eu à s’affronter sur notre territoire, directement ou par groupes armés interposés.
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En plus de l’armée Congolaise, de la centaine de groupes armés locaux et étrangers, et des armées des pays voisins, il y a également la présence de milliers de Casques Bleus de l’ONU qui sont déployés dans l’est de la RDC depuis plus de 20 ans.
Au regard de ces éléments factuels, l’idée d’une force régionale, comprenant des armées hostiles ou déjà présentes sur notre territoire, pose de multiples problèmes d’ordre politique, stratégique, et même opérationnel. Et il ne suffit pas de mettre à l’écart l’armée rwandaise de cette force régionale : la participation des armées ougandaise, burundaise et sud-soudanaise est tout aussi indésirable.
Monsieur le Président,
Pour toutes ces raisons, nous rejetons vigoureusement le projet de déploiement d’une nouvelle force régionale et vous appelons à y renoncer sans atermoiements. A la place, nous proposons ce qui suit :
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Requérir du Conseil de Sécurité de l’ONU le renforcement de la Brigade d’Intervention en troupes (par les pays de la région à l’exclusion du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi et du Soudan du Sud) ainsi qu’en moyens logistiques. La structure de commandement de cette FIB renforcée devra être plus autonome à l’égard du reste de la force de la MONUSCO, ses règles d’engagement plus souples en vue d’assurer sa proactivité, et ses objectifs plus clairement énoncés et assortis d’un chronogramme fixe. Afin de réduire les effectifs militaires inutiles dans l’est de notre pays et d’optimiser les ressources, vous devriez demander le retrait immédiat du reste de la force de la MONUSCO et l’allocation des ressources dégagées à la Brigade d’Intervention ainsi renforcée.
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Mettre immédiatement un terme à l’opération Shujaa de l’armée ougandaise et à toute éventuelle autre opération d’une armée étrangère qui serait en cours en RDC avec votre autorisation. Dans le même ordre idée, en vue de dissiper tout soupçon, vous devriez rendre publics, ou à tout le moins transmettre au parlement tous les accords militaires et économiques passés avec l’Ouganda, le Rwanda/M23 et le Burundi depuis votre arrivée au pouvoir.
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Mettre en œuvre le programme DDRC-S, lui doter d’un cadre légal plus approprié, et lui doter d’un leadership consensuel et crédible en lieu et place de l’ex-chef rebelle pro-Rwanda et pro-balkanisation, Tommy Tambwe.
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Saisir sans plus de délai les Nations-Unies en vue de la création urgente d’un tribunal pénal international pour la RDC ou d’un mécanisme judiciaire équivalent pour juger les principaux auteurs Congolais et étrangers des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis sur le sol Congolais depuis 1990 jusqu’à ce jour. Au même moment, faire adopter rapidement d’une stratégie nationale globale de justice susceptible d’assurer à toutes les victimes le droit à la vérité, aux compensations, aux réparations, à la mémoire et aux garanties de non-répétition. Car, comme le montre encore la résurgence du M23, sans la justice, la paix et la cohésion nationale resteront illusoires.
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Faire de la réforme de nos forces de défense et de sécurité une priorité nationale absolue, et tout mettre en œuvre tous les moyens légaux, politiques et financiers nécessaires à cet effet. Nous proposons la réduction immédiate d’au moins 30% des budgets de fonctionnement et de personnel politique des institutions de la République et l’allocation des ressources économisées à nos forces armées dans le cadre du récent projet de loi de programmation militaire. Car, à terme, continuer à faire dépendre notre sécurité du bon vouloir des autres et des interventions étrangères quelles qu’elles soient est un déni de notre souveraineté et une humiliation insoutenable. Notre pays a besoin d’avoir une armée et des forces de sécurité puissantes, véritablement professionnelles et apolitiques, capables de défendre son territoire, l’ensemble de ses citoyens, et nos intérêts vitaux contre toute menace intérieure ou extérieure.
Soyez assuré, Monsieur le président, de notre engagement citoyen et patriotique.
Fait à Kinshasa, le 20 juin 2022
Pour la LUCHA,
La cellule de communication